Musée Guimet
Dans l’ancien musée Guimet, c’est surtout de la nostalgie, de la tristesse. Un sentiment d’abandon. Le froid, l’humidité, les plafonds aux splendeurs d’antan désormais défraîchies. Marche lugubre comme la Morgestraich de Clément Cogitore. On imagine volontiers que cette première édition en ce lieu soit cette marche carnavalesque qui célèbre la vie, la fin des ténèbres. Une nouvelle ère.
Télescopage des savoirs, des temporalités.
Un sentiment de vide et d’incomplétude dans cet ancien musée.
À l’instar des Timekeeper de Pierre Huyghe. Mais ici, à l’exception des sculptures photographiques de Lucile Boiron, qui ont trouvé leur place dans les vitrines du lointain muséum d’histoire naturelle ; les œuvres semblent flotter à côté. Les vitrines d’Ugo Schiavi, elles aussi, parviennent à nouer un dialogue fertile avec le lieu. Grafted Memory System se nourrit de ce passé, de cette histoire d’un bâtiment qui avait perdu sa raison d’être. Vitrines-aquarium, les mondes d’Ugo Schiavi sont des écosystèmes hybrides, où la technologie épouse (ou étouffe) une végétation noyée par des déchets et des restes animaux. Archéologie prospective. Télescopage des savoirs, des temporalités. Ces mondes hybrides se superposent aux traces des anciennes vitrines, d’anciens socles dont la cicatrice est imprimée sur les parquets.
Parquet soulevé par les photographies tissées de Leyla Cardenas. Elle ouvre une brèche, une fenêtre sur les entrailles du lieu. Elle démêle les strates d’un abandon qui rend visibles l’histoire et le temps.
Comme un géant trop longtemps endormi, feu le musée Guimet revit, craque, s’étire, nous léguant les effets douloureux de l’abandon du patrimoine, les interstices d’un temps qui semble ici, s’être arrêté. Comment peut-on laisser l’histoire se taire ? La fragilité est si manifeste qu’elle en devient embarrassante.
URDLA/Musée d’Art contemporain (MAC)
Les photographies de Richard Learoyd semées au gré des parcours nous saisissent par leur beauté précise, leur charme suranné. Leurs tons désaturés nous replongent des siècles en arrière et redonne toute leur noblesse à ces corps marginalisés, oubliés. Gestualité douce et vulnérable que l’on retrouve en filigrane au MAC. L’expressivité des mains de Janka Piotrowska, dans leur tentative vaine de se défendre d’un agresseur potentiel, révèle toutes leurs fragilités. Mains fragmentées d’Ugo Schiavi. À l’instar de ses vitrines, ces morceaux de corps éclatés renvoient à l’image fractionnée de Jeremy Shaw. Une femme prie, une foule recueillie dont toute l’énergie résonne à travers l’écho du prisme de verre.
Des bouts de corps, des bouts de vie comme celles de Louise Brunet que l’on suit à la trace au troisième étage du MAC. Parcelles de vie, parcelles d’histoire qui dialoguent dans un accrochage décloisonné où le XVIIe, le XIXe et le XXIe siècle se superposent. Les vierges à l’enfant d’Anna Gee se fondent entre ces aînées, et la piéta queer de Mohamad Abdouni. La transparence des voiles-dévoile laisse entrevoir d’inédites temporalités, de nouveaux mondes. Les Muses d’Ailbhe Ni Bhriain se construisent de ces superpositions de ruines, ses portraits révèlent la violence de l’histoire.
IAC Villeurbanne
À l’IAC, le voyage Jeune Création européenne commence avec un conte revisité, au cœur des entrailles d’un étrange cétacé. L’univers de Pierre Unal-Brunet se déploie jusque sur les murs. Des créatures hybrides évoluent dans ce que l’on devine être un étrange cétacé. Autre immersion dans le monde de Olof Marsja. Entre un fond vert qui évoque nos films d’animation contemporains et imagerie Sámi. Figures carnavalesques, tout droit sorties d’une mythologie inventée par l’artiste. Un monde à la lisière de la fiction et de la réalité. Idem pour Maggic Cube d’Adji Dieye. Plongée dans un univers où l’ombre de Seydou Keïta plane, où les traditions présupposées sont en réalité teintées de colonialisme.
Les anciennes usines Fagor
Dans les anciennes usines Fagor, la Biennale a bel et bien trouvé sa place. La poésie de la fragilité se ressent dans les containers abritant les collections abîmées des Hospices civils de Lyon. Les toiles pansées nous laissent apercevoir l’effacement possible d’un patrimoine, d’une histoire. Les équilibres précaires de Jose Davila. Jeu de poids inquiétants qui menacent les visiteureuses, vanités contemporaines. Sylvie Selig déploie des œuvres riches et polymorphiques. Visions insolites liserées de fantaisie. Elle tisse aussi des comptines enfantines mâtinées d’impudicité. Ses broderies répondent aux tapisseries impertinentes d’Erin M Riley. Classicisme punk, iconoclaste et engagé.
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